Un super groupe comme seuls les Americains peuvent en réunir - Hudson - de vénérables figures de légende - Ahmad Jamal et Charles Lloyd - la jeune génération et des descendants prometteurs - Gerald Clayton, John Pizzarelli et Daniel Jobim - pour une sélection de quelques CDs de l'été.
D'entrée de jeu, le super quartet Hudson donne le LA de la musique qu'il a décidé de mettre au programme de son disque éponyme (Motema).
Ainsi l'amour du rock des années 1960 partagé par ces quatre sommités du jazz moderne - le batteur (et accessoirement chanteur) Jack DeJohnette, (le doyen de 75 ans à l'impressionnante carte de visite de Miles Davis à Keith Jarrett), le guitariste John Scofield, (également ex-davisien), le claviériste John Medeski (ex-trio Medeski, Martin & Wood) et le contrebassiste Larry Grenadier (ex-Brad Mehldau) - transpire dans cet album collectif.
Deux compositions de Bob Dylan - le suggestif "Lay Lady Lay" et une version très lyrique de "Hard Rain's A-Gonna Fall" - une de Jimi Hendrix - "Wait Until Tomorrow" - une de la chanteuse Joni Mitchell - "Woodstock" - et une de "The Band" (qui a accompagné Bob Dylan de 1965 à 1974) - "Up on Cripple Creek" - forment ainsi l'ossature rockisante et sont revisitées, réinterprétées, réinventées avec brio, élégance, subtilité, tout en gardant leur atmosphère des Sixties.On retrouve aussi cet esprit binaire, funky et parfois méditatif dans les envolées de la guitare de John Scofield et des claviers de John Medeski, sur les six autres compositions originales du quatuor.
Le super groupe du moment à l'origine d'une musique hypnotique, expressive et à l'énergie créatrice absolument débordante. La perfection !
De moins en moins d'étoiles qui brillent dans le firmament du jazz
A désormais 87 ans, Ahmad Jamal adore envoyer des cartes postales musicales.
Après Paris, Toulouse et Milan, le vénérable pianiste adresse des images jazzy depuis "Marseille" (Jazz Village/PIAS), ville objet de son dernier CD (déjà 2è meilleure vente jazz après Diana Krall !). Pour cela, il a fait appel à ses fidèles acolytes depuis plusieurs années - James Cammack (contrebasse), Manolo Badrena (percussion) et Herlin Riley (batterie) - et à deux invités vocaux - la chanteuse Mina Agossi et le slammeur Abd Al Malik.
Celui qui est également en France Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres nous offre une musique particulièrement colorée, évocatrice de l'ambiance d'une ville portuaire ouverte, vivante, naturellement métissée et souvent épicée. Une lettre d'amour à la Cité Phocéenne écrite dans toute l'intimité d'un piano.
A 79 ans, Charles Lloyd est un de ces dernières légendes vivantes d'une musique toujours en évolution.
Saxophoniste, flûtiste et compositeur, le vénérable géant du ténor toujours vivant - à l'image de ses alter ego Wayne Shorter et Sonny Rollins - poursuit inlassablement son activité musicale, avec un jazz de plus en plus empreint d'un certain mysticisme dont chaque note, chaque phrase, chaque improvisation est comme une offrande à l'être supérieur.
Pour comprendre et apprécier cette démarche spirituelle déjà conduite par John Coltrane, disparu voici un demi-siècle, il suffit de se plonger dans "Passin' Thru" (Blue Note/Universal). A la tête de son New Quartet d'alors (Jason Moran, piano ; Reuben Rogers, contrebasse ; Eric Harland, batterie), il avait enregistré en direct en 2016 sept pièces personnelles, dont certaines remontaient à ses débuts discographiques.
Ce qui s'en dégage est semblable à une force incroyable et une énergie quasi surnaturelle, en proie à un certain paroxysme aux allures divine. Un magnifique voyage vers d'autres cieux.
Nouvelle génération
Après des géants prestigieux comme John Coltrane, Sonny Rollins, Stan Getz, Bill Evans et tant d'autres, le trompettiste Ambrose Akinmusire s'est inscrit dans une réelle tradition en s'installant quatre soirs durant au célébrissime Village Vanguard de New York, pour y enregistrer "A Rift in Decorum - Live at The Village Vanguard" (Blue Note/Universal - double CD). A la tête de son 4tet d'une très grande homogénéité - Sam Harris (piano), Harish Raghavan (contrebasse) et Justin Brown (batterie) - le jeune et brillant leader de 35 ans délivre un jazz mâtiné de classicisme mais aussi de titres très longs qui sortent des sentiers battus comme cette poignante histoire personnelle racontée dans "Maurice & Michael (sorry I didn't say hello)" qui ouvre l'album. Un jazz très évocatif et plein d'émotion servi par un trompettiste expressif.
Fils et petit-fils de...
Fils du bassiste John et neveu du saxophoniste Jeff, Gerald Clayton est un des pianistes les plus prometteurs de la nouvelle génération. Des talents qui ont été remarqués et appréciés par Charles Lloyd avec qui il se produit actuellement. Des talents éminemment contemporains que l'on retrouve dans les compositions qui forment "Tributary Tales" (Motema), son dernier opus. Aux commandes d'un tentet d'où se dégagent Logan Richardson et Ben Wendel (saxes), le jeune homme, élève de Kenny Barron, livre un travail d'écriture étonnant et riche, qui puise dans des origines multiples tout en conservant un esprit jazz rigoureux. Et parfaitement mis en valeur par les membres de son groupe.
Le guitariste et chanteur John Pizzarelli est le fils d'un autre guitariste, "Bucky" Pizzarelli. Avec le pianiste et chanteur Daniel Jobim, petit-fils d'Antonio Carlos Jobim, il vient de rendre hommage dans "Sinatra & Jobim @50" (Telarc/Socadisc) à deux de ses influences majeures que sont Frank Sinatra et le célèbre compositeur brésilien. Deux légendes qui avaient enregistré voici cinquante ans un album devenu culte : "Francis Albert Sinatra & Antonio Carlos Jobim". Le tout augmenté de compositions originales et de titres gravés par Sinatra et Jobim en 1969. Ou deux doubles rencontres, de disciples à deux maîtres du genre.
(Ils seront à Paris au Duc des Lombards les 21 & 22 juillet).
(crédit photos : Hudson - Nick Suttle / Charles Lloyd - Universal / Gerald Clayton - Keith Major)