Miles DavisMiles Davis et Charlie Parker ont chacun à leur manière révolutionné le jazz. Retour sur des moments clés de leurs carrières respectives. Et petit tour d'horizon de plusieurs nouveautés de l'automne, avec notamment John Scofield, un des nombreux "enfants" de Miles.

Comme les chats, Miles Davis (1926 - 1991) a eu plusieurs vies dans sa carrière musicale. Commencée auprès des héros de la révolution bebop, comme accompagnateur de Charlie Parker (de novembre 1945 à décembre 1948) pour se terminer dans l'apothéose du jazz fusion des années 1980/90. Cependant, il existe au sein de ces périodes exaltantes, des mini-chapitres. Comme notamment son travail en tant que leader, peu connu, au début des années 1950, juste après la création de la tendance "cool jazz" et avant celle du hard bop. "The Complete Prestige 10-Inch LP Collection (Prestige-Concord/Universal) est un coffret de 11 vinyles 25 cm (LP 10 inch - pochettes originales - enregistrements réalisés entre 1951 et 1954) qui est un document nous restituant le trompettiste en pleine évolution et progression. Autour de lui figurent des musiciens emblématiques qui vont contribuer à l'histoire du jazz, à l'image de Dizzy Gillespie, Fats Navarro, Sonny Rollins, Art Blakey, Charles Mingus, Thelonious Monk, John Lewis, Max Roach, Roy Haynes, Horace Silver, Milt Jackson, Lee Konitz, Jackie McLean, Kenny Clarke ou d'autres moins connus comme Lucky Thomson et Zoot Sims (saxes) ou Kenny Dorham (trompette). Ce coffret donne surtout à entendre une étoile en devenir, alors à la recherche d'une esthétique musicale, d'un son et d'une personnalité. Un chainon manquant dans l'imposante discographie du "Prince des ténèbres".

Un Miles Davis, dont on célèbre le 25è anniversaire de la disparition (28 septembre 1991), qui fait l'objet d'attentions spéciales dans "Lettre à Miles" (Alter Ego Editions - 174 pages - 18 euros). Le journaliste/écrivain Franck Médioni a ainsi rassemblé les témoignages et les lettres de 55 auteurs. Des musiciens - le pianiste René Urtreger, seul survivant de la légendaire séance d'"Ascenseur pour l'échafaud", Dave Liebman, Paolo Fresu, Jimmy Heath notamment - des romanciers/ poètes - David Foenkinos - des journalistes, des réalisateurs - Frank Cassenti - des comédiens - Jackie Berroyer - des dessinateurs, voire de celle qui fut (avec Juliette Gréco) son deuxième grand amour français, Jeanne de Mirbeck (la sœur de René Urtreger). Emotion garantie !

Des inédits de l'Oiseau

Charlie ParkerCharlie Parker(c)William GotliebPlus de soixante ans après sa disparition (le 12 mars 1955 à l'âge de 34 ans), Charlie "Bird" Parker est toujours l'objet d'un culte et d'une fascination. Et de découvertes discographiques ! En France, "L'intégrale Charlie Parker" (Frémeaux & Associés), dirigée par Alain Tercinet permet depuis quelques années de se plonger chronologiquement dans la musique du génialissime saxophoniste-alto. Aux Etats-Unis, l'expert "es ornithologie", Phil Schaap a exhumé des prises inédites enregistrées entre 1949 et 1952 pour les labels du producteur Norman Granz qui ont été regroupées dans "Unheard Bird - The Unissued Takes (double CD - Verve/Universal). Il s'agit essentiellement de prises alternatives, de faux départs et d'enregistrements incomplets. Cependant le producteur a eu l'excellente idée d'adjoindre le morceau tel qu'il a été publié à l'origine. On y retrouve le leader dans des versions afro-cubaine, avec grand orchestre à cordes et surtout en petites formations - son format préféré - avec des pointures comme notamment Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Hank Jones et Max Roach. Un document musical exceptionnel absolument essentiel pour les "birdophiles".

De la country par un "Seignor"

john scofieldJohn ScofieldComme le jazz, le blues, la soul et autres musiques noires, la country music – tant décriée en France parce que blanche et celle des « bouseux » (Redneck) – fait partie de l’histoire musicale des Etats-Unis. Comme d’autres (rares !) jazzmen avant lui, John Scofield a voulu rendre un hommage appuyé à ce style. Entouré de ses fidèles complices – Steve Swallow (basse) et Bill Stewart (batterie) – ainsi que du très swinguant organiste (Hammond B3)/pianiste, Larry Goldings, le guitariste électrique, un temps compagnon de Miles Davis, a repris à son compte des thèmes écrits par quelques-unes des plus grandes figures du genre dans son dernier CD, « Country For Old Men » (Impulse/Universal). Des ballades de Hank Williams, Dolly Parton, Merle Haggard, Johnny Mercer ou encore Shania Twain, voire des chansons traditionnelles, sont ainsi parfois totalement déconnectée de leur contexte. Mais elles prennent le chemin d’une forme de jazz qui, tout en respectant la trame originale, porte la marque et le jeu incisif de l’éclectique leader. La sphère du jazz vient encore de s’agrandir. Il sera en concert le 20 octobre au New Morning à Paris, le 21 à Clermont-Ferrand (festival Jazz en Tête), le 29 à Issoudun et le 12 novembre à Nevers (festival D’Jazz à Nevers).

La rencontre entre le jazz et les musiques orientales s’est opérée il y a bien longtemps déjà. Dernière en date, celle d’un des grands maîtres de l’oud, Dhafer Youssef. Pour son dernier opus enregistré à New York, « Diwan of Beauty & Odd » (Okeh/Sony Music), le musicien tunisien, également compositeur et chanteur, a fait appel à la crème de la nouvelle génération des jazzmen actuels : le prodige de la trompette Ambrose Akinmusire (sur deux titres seulement), Mark Guiliana (batterie), Aaron Parks (piano) et Ben Williams (contrebasse). Et le leader de réaliser un étonnant et subtile alliage, ou une certaine juxtaposition, entre les mélodies moyen-orientales originales, parfois lancinantes, et la vivacité créatrice du jazz. Un album musicalement diversifié mais cependant très homogène dans sa globalité et son inspiration. Il sera en concert le 20 octobre à Seignosse, le 22 à Lons-le-Saulnier, le 10 novembre à Clermont-Ferrand, le 18 à Laval et le 14 avril 2017 à l’Olympia de Paris.


Plus connue pour la pop et le rock (voire le blues), la scène anglaise nous réserve quelque fois des surprises. Dernière en date : Shabaka Hutchings. Né à Birmingham en 1984, élevé à La Barbade, le jeune saxophoniste-ténor fait partie de cette génération de musiciens qui mélange sans vergogne – et parfois avec un certain succès - une multitude de musiques. Leader de plusieurs groupes (« Sons of Kemet », « The Comet is Coming »), dont le dernier en date est « The Ancestors », il vient de graver « Wisdom of Elders » (Brownswood Recordings), son premier disque en tant que leader avec la fine fleur des jazzmen sud-africains actuels. Ou une musique résolument contemporaine, loin des clichés, très énergique, pleine de fougue, puissante et sans concession, qui explose en pleine figure.