En adaptant « The Shape Of Jazz To Come (Something Else)”, un album fondateur enregistré par Ornette Coleman, le saxophoniste Pierrick Pédron a fait sienne la devise de Danton : « De l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace » !
Quand en 1959 – l’année de l’enregistrement de « Kind of Blue » par Miles Davis - Ornette Coleman (alors âgé de 29 ans) pénètre dans les studios d’Atlantic il n’imagine peut-être pas encore – même s’il en est conscient ! – qu’il est en train de changer radicalement le cours du jazz. Qui interviendra vraiment un an plus tard avec son opus « Free Jazz – A Collective Improvisation ».
Cependant, pour ces enregistrements-clés, l’altiste/compositeur innovateur et visionnaire avait totalement exclu un instrument carcan des harmonies : le piano !
Que l’on retrouve pourtant dans « The Shape Of Jazz To Come (Something Else)” (Continuo Jazz/Believe) de Pierrick Pédron !
Avec ses complices – Carl-Henri Morisset (piano), Thomas Bramerie (contrebasse) et Elie Martin-Charrière (batterie) – le saxophoniste-alto et compositeur – sous le regard de Laurent Courthaliac (arrangeur) et Daniel Yvinec (direction artistique) – a lancé un défi majeur, qui pourrait être à la fois une gageure, un risque et une provocation inconsciente : revisiter un monument d’une époque.
Si la présence d’un pianiste (en l’occurrence C-H. Morisset) à la place de la trompette de Don Cherry, peu semblée incongrue pour respecter à la lettre l’esprit révolutionnaire de l’enregistrement original, il faut tout le talent du leader - voire un certain culot ! – pour redonner vie à ces thèmes devenus iconiques et historiques.
Six compositions qui sont autant de terrains fertiles afin de développer et d’exploiter toutes les immenses qualités de cet assemblage de solistes comme touché par la grâce d’un jazz déjà au-delà de la modernité et de la contemporanéité.
Intense, énergique, frénétique, puissante. Ainsi pourrait-on qualifier cette rencontre entre une séquence de l’Histoire du jazz et ce quartet lumineux qui aurait reçu la visitation de l’esprit du grand Maître Ornette.
Car, il y a quelque chose de mystique dans la richesse des interventions de Pierrick Pédron, dans l’opulence de son discours d’une liberté d’improvisation musclée et de son phrasé à la fois aérien et inspiré. Le tout appuyé par une très solide rythmique emmenée par C-H. Morisset, impérial dans l’effort de déconstruction thématique pour une meilleure reconstruction mélodique.
Le 4tet sera en concert les 5 & 6 décembre au Sunside à Paris.
Didier PENNEQUIN