Un Thelonious Monk inédit redécouvert grâce à un étudiant ; le John Coltrane des années 1960 ressuscité : les véritables étoiles du jazz brillent toujours au firmament.
C'est à un ambitieux étudiant que nous devons l'enregistrement d'un concert en Californie du quartet de Thelonious Monk, "Palo Alto" (Impulse !/Universal), resté inédit pendant plus d'un demi-siècle.
En effet, à l'automne 1968 en pleine guerre du Vietnam, de tensions raciales et après les assassinats de Robert F. Kennedy et Martin Luther King, Danny Scher (16 ans !) décide de programmer le pianiste/compositeur, alors âgé de 51 ans, et sa formation - Charlie Rouse (saxe ténor), Larry Gales (contrebasse) et Ben Riley (batterie) - pour une performance dans son université de Palo Alto.
A cette époque, Monk, qui affirme être LE créateur du courant bebop (avec Charlie Parker et Dizzy Gillespie !), connait quelques problèmespersonnels - drogue, perte de la carte de travail pour les clubs de jazz de New York, fin de contrat avec le label Columbia, endettement - et de santé. Voire rejet de sa musique par une partie de la critique.
Le concert à Palo Alto, sur le Côte Ouest, apparaît alors comme salvateur. Six morceaux - dont quatre du pianiste avec des "classiques" comme "Ruby, My Dear", "Well, You Needn't", "Blue Monk" et "Epistrophy" - soit quarante-sept minutes de musique en tout.
Des instants jusque-là inédits montrant un Thelonious Monk revitalisé, régénéré, triomphal et inventif dans ses soli. Largement aiguillonné et encouragé par ses puissants complices.
Bref, un quartet au sommet de son processus créatif.
Célébrer John Coltrane 60 ans après
Plus d'un demi-siècle après, l'étoile de John Coltrane (1946 - 1967) continue de scintiller dans le ciel. Même si le temps fait son lentement œuvre. Pour ralentir cet effacement inéluctable, de nouvelles publications ravivent la flamme du souvenir d'un jazzman pourtant irremplaçable.
Ainsi la réédition remastérisée, à l'occasion du 60è anniversaire de sa parution, d'un enregistrement majeur (1959) du saxophoniste/compositeur, "Giant Steps" (Atlantic/Rhino -double CD & LP - album original plus 8 prises alternatives - livret d'Ashley Khan. L'intégralité de ces séances avait déjà été publiée une première fois en 1995 dans le coffret "The Heavy Weight Champion - John Coltrane - The Complete Atlantic Recordings").
Coïncidence, ces sessions ont été gravées quelques semaines après la participation du leader au légendaire "Kind of Blue" de Miles Davis, disque le plus vendu de l'histoire du jazz.
Un leader qui - entouré notamment selon les prises, de Cedar Walton, Tommy Flanagan et Wynton Kelly (piano, présent sur "Kind of Blue"), Paul Chambers (contrebasse), Les Humphries, Art Taylor et Jimmy Cobb (batterie, également sur "Kind of Blue") - est en train de prendre son envol, sur des compositions originales, vers d'autres univers musicaux annonciateurs d'une prochaine (r)évolution dans le jazz et de nouvelles conceptions à venir. Un tournant du genre !
Tournant vers la New Thing et les embardées du free jazz qui a été amorcé quand le même John Coltrane se présente à Paris à l'automne 1962.
A la tête de son Quartet historique - McCoy Tyer (piano), Jimmy Garrison (contrebasse) et Elvin Jones (batterie) - il est programmé, sous la houlette de Frank Ténot et Daniel Filippachi (les créateurs/animateurs de l'émission "Pour ceux qui aiment le jazz" sur Europe N°1) à l'Olympia pour sa troisième tournée européenne.
Pour délivrer, sur deux titres originaux et deux standards dont le célèbre "My Favorite Things", ses fameuses cascades de notes, inspirées par une fougue instrumentale ardente désireuse d'aller toujours au-delà du domaine du possible. Une entrée fracassante dans l'ère du jazz modal soutenue avec brio par de géniaux comparses qui brillent d'inventivité et de maestria dans leurs soli parfois explosifs.
Des moments inoubliables et musicalement incandescents à (re)découvrir sur le CD "John Coltrane - 17 novembre 1962" (Collection "Live in Paris" - Frémeaux & Associés).