Assaillis de toute part par la nouvelle génération, des seniors (seigneurs ?) du jazz comme Branford Marsalis, Randy Brecker, Joe Lovano et autres pointures affichent une belle sérénité musicale.
Dans la famille Marsalis, originaire de La Nouvelle-Orléans - Ellis (pianiste), le géniteur, 84 ans, Wynton, trompettiste, 57 ans, le plus connu, Delfeayo, tromboniste, 53 ans, Jason, batteur, 42 ans - prenons l'aîné, Branford, saxophones, 58 ans.
Dans un monde où tout s'accélère, Branford Marsalis poursuit, avec un certain bon sens, les formules qui ont fait sa réputation et sa marque de fabrique. Pour ce faire, il collabore depuis deux décennies avec des fidèles - Joey Calderazzo (piano), Eric Revis (contrebasse) et Justin Faulkner (batterie), le petit dernier - qui lui assurent une vision musicale à la fois stable et parfois très expansive.
"The Secret Between The Shadow And The Soul" (Okeh/Sony Music), son dernier CD affiche ouvertement cette alternance. La solidité et surtout l'homogénéité de son Quartet permettent au leader - qui reste avec d'autres grandes figures générationnelles du saxophone moderne comme Joe Lovano ou Kenny Garrett - un véhément technicien hors pair qui déplace des montagnes, alternant pièces surchauffées et autres plus subtiles et paisibles, ainsi qu'un compositeur émérite ancrés dans l'"esprit jazz" !
Chez les frères Brecker - Michael (1949 - 2007), saxophone/EWI - Randy, trompette/bugle, 73 ans, ancien membre du groupe emblématique de rock-jazz "Blood, Sweat & Tears", des "Jazz Messengers" d'Art Blakey et de "Eleventh House" de Larry Coryell notamment, est un peu un gardien qui entretient la flamme.
Qu'il ravive énergiquement dans "Rocks" (Jazzline/Socadisc), un album rassemblant ses propres compositions écrites entre 1970 et 1990, alors que le binôme des "Brecker Brothers" était à son apogée au cœur des années 1980.
Associé pour l'occasion à une autre figure emblématique du jazz fusion aux allures plus lisses, l'altiste David Sanborn, 73 ans, la ténor/soprano Ada Rovatti, et surtout avec le soutien dynamique, accrocheur et extrêmement vigoureux d'un grand orchestre très recherché et symbolique, le NDR Big Band (dont la formation à la radio de Hambourg remonte aux années 1950), le leader étale avec talent une belle rétrospective de ses années de braises ici revues avec fraîcheur et spontanéité.
Après 26 ans passés au sein du célèbre label Blue Note, où il a sorti en leader ou codirigé 25 albums, Joe Lovano a rejoint une autre écurie prestigieuse - ECM, qu'il connaissait déjà pour des participations épisodiques (Paul Motian, John Abercrombie, Steve Kühn) - pour présenter son nouveau projet : "Trio Tapestry" (ECM/Universal).
A la tête de son Trio (sans contrebasse !) - Marilyn Crispell (piano, ex-Anthony Braxton) et Carmen Castaldi (batterie, percussions), qu'il connait, pour la première, depuis la moitié des années 1980 et, pour le second, depuis leur adolescence dans l'Ohio - le leader, qui s'exprime aussi bien au saxophone-ténor, qu'au tarogato et aux gongs - présente une musique plus basée sur la méditation que l'expression fougueuse, présente cependant par moment.
Onze pièces originales, intimistes, bien entendu lyriques et riches en nuances harmoniques et mélodiques. Favorisées et sublimées par la parfaite cohésion et complicité communicative qui existent et se dégagent entre les trois partenaires.
Chez mon "Oncle Pö"
Entre 1970 et 1986, "Onkel Pö's Carnegie Hall" fut le club symbolique de Hambourg.
Durant toutes ces années, il a accueilli les jazzmen les plus représentatifs d'un style conventionnel, des maîtres du "mainstream". Qui ont fait l'objet d'enregistrements inédits dont certains voient le jour comme ce "Timeless Allstars" enregistré en 1982 (Jazzline/Socadisc).
Composé de Bobby Hutcherson (vibraphone), Harold Land (saxe-ténor), Curtis Fuller (trombone), Cedar Walton (piano), Buster Williams (contrebasse) et Billy Higgins (batterie), ce sextet de pointures intemporelles - devenues pour certaines de véritables légendes - pratique un solide et robuste jazz post-bop qui, de nos jours, semble appartenir définitivement à l'histoire, mais qui est surtout un ravissement pour les oreilles et permet de réentendre une musique qui conserve toute sa pertinence.
Absolument jubilatoire !