Louis Hayes fotos©Jörg Becker"Cela n'a aucune signification, si ça ne swingue pas" ("It Don't Mean A Thing +If It Ain't Got That Swing+") disait - ou plutôt jouait - Duke Ellington. Démonstration avec Patrick Artero, La Section Rythmique, Esaïe Cid et les hard-boppers Louis Hayes, Junior Cook et Woody Shaw.

Rarement le "Great American Songbook" - autrement dit le répertoire et les standards du XXè siècle - et nombre de jazzmen iconiques n'ont été autant à la mode. La raison : y retrouver des sources d'inspiration et, de façon assez contradictoire, de renouvellement.

Une démarche assumée depuis des lustres par Patrick Artero.

Trompettiste de son état, auréolé d'une Victoire du jazz en 2009, membre des Haricots Rouges à ses débuts, il n'a jamais caché son admiration et sa déférence pour ses glorieux aînés. Même si un temps, il s'est éloigné du jazz pour accompagner Kassav', Bernard Lavilliers ou Eddy Mitchell.Reconnecté depuis au jazz, il s'est illustré notamment en rendant hommage au cornettiste Bix Beiderbecke et à.... Jacques Brel !

Visuel Patrick ArteroAujourd'hui, il retrouve le chemin des studios pour saluer, dans "Family Portrait" (Camille Production/Socadisc), ces illustres trompettistes qui ont été ses mentors comme Joe Newman, Rex Stewart, Louis Armstrong ou encore Buck Clayton. Si, superbement accompagné par "La Section Ryhmique" - David Blenkhorn (guitare), Sébastien Girardot (contrebasse) et Guillaume Nouaux (batterie) - ce gardien du temple évoque et invoque mélodiquement et idéalement les timbres instrumentaux de ces esprits, il y associe aussi des textes du grand poète afro-américain, Langston Hugues (1902 - 1967), récités par Don Vappie.

Un album en forme d'autobiographie musicale avec des hommages multiples ancrés dans la tradition.

"La Section Rythmique" justement.

Drôle d'appellation pour ce trio de base, originaire de la région bordelaise qui, outre d'accompagner Patrick Artero, est très souvent sollicité - comme par la chanteuse Cécile McLorin Salvant et le clarinettiste Evan Christopher - et/ou sollicite des solistes et des invités, avec comme référence le swing.

La Section RythmiquePour leur nouveau cd, intitulé tout simplement "La Section Rythmique +2" (Frémeaux & Associés), le guitariste installé en France, David Blenkhorn, le contrebassiste Sébastien Girardot et le batteur Guillaume Nouaux ont invité deux solides saxophonistes : le jeune altiste italien Luigi Grasso et le ténor américain Harry Allen, disciple de Ben Webster et Coleman Hawkins, dont on commémore cette année le 50è anniversaire de la disparition.

Au programme de cet enregistrement des compositions d'Al Cohn, Wes Montgomery, Johnny Hodges/Ben Webster, Duke Ellington/Billy Strayhorn, Hoagy Carmicheel ou encore Oliver Nelson.

Bref, la crème de la crème du jazz qui swingue et qui bop avec dévotion et élégance.

Saxophoniste (alto) catalan installé en France depuis une quinzaine d'années, Esaïe Cid a surtout fait ses armes au sein de plusieurs big bands avant de multiplier ses collaborations avec la nouvelle génération de jazzmen français.

visuel Esaïe CidPour son nouvel opus, "The Kay Swift Songbook" (FreshSound Records), le leader s'est entouré d'un très solide quintet comprenant notamment Jerry Edwards (trombone) et Mourad Benhamou (batterie) pour honorer la mémoire de la compositrice Kay Swift (1897 - 1993), muse et amie intime de George Geshwin dans les années 1920/30.

Outre d'être la première femme à écrire une comédie musicale pour Broadway,("Fine And Dandy", 1930) , elle fut aussi à l'origine de deux standards du jazz, "Fine & Dandy" précisément et "Can't We Be Friends ?". Que l'on redécouvre dans un album musicalement très passionnant, à la fois innovant et respectueux de l'écriture d'une égérie de l'époque swing. Le tout interprété avec brio, amour et dévotion par un quintet qui sera le 21 mai au Duc des Lombards à Paris.

Deux esprits, celui d'Art Blakey et de ses "Jazz Messengers", mais surtout celui du pianiste/compositeur et chef d'orchestre Horace Silver, planent sur ce double album intitulé "Louis Hayes/Junior Cook Quintet - At Onkel PÖ's Carnegie Hall, Hambourg 1976" (Deltan/Socadisc).visuel Louis Hayes /Junior Cook

A cette époque, après la vague de free jazz qui a balayé les codes du jazz et le jazz-rock et de fusion qui impose alors ses rythmes binaires, affirmer son appartenance à l'école bop et hard bop relève de la gageure. Qu'importe !

C'est le message musical que va délivrer en cette soirée du 11 mars 1976 dans le célèbre club de Hambourg, l'Onkel Pö's Carnegie Hall (créé en 1970 et actif jusqu'en 1986) un 5tet "all stars" : Louis Hayes (batterie - 81ans aujourd'hui), membre régulier du 4tet d'Horace Silver, Junior Cook (saxophone-ténor, 1934 - 1992), également membre du groupe de Silver, Woody Shaw (trompette - 1944 - 1989), qui s'était fait connaître auprès d'Eric Dolphy et qui a trouvé la mort suite à des circonstances tragiques, Ronnie Matthews (piano - 1935 - 2008) et Stafford James (contrebasse, 73 ans actuellement).

Le résultat : plus de 110 minutes jusque-là inédites d'un jazz post-hard bop, concentrées sur des standards - "All The Things You Are" du tandem Kern/Hammerstein ou "Pannonica" de Thelonious Monk notamment. Le tout totalement sublimé et amplifié par d'intenses, frénétiques et fougueux choruses, avec une mention spéciale pour la virtuosité et la maîtrise éblouissante du trompettiste Woody Shaw.

Pour ceux qui aiment vraiment le jazz !!!!